Conte de Noël
L’hiver était bien rude, et plus d’un pauvre avait

Vu la fièvre et la faim s’asseoir à son chevet.

À maint foyer, malgré la froidure croissante,

La bûche de Noël, hélas! était absente.

Que de petits souliers usés et décousus,

Allaient être oubliés par le Petit-Jésus!
Noël! – La rue était brillamment éclairée;

Sur les trottoirs glissants une foule affairée

Des magasins ouverts assiégeaient les abords.

Mille objets attrayants s’étalaient au dehors,

En groupes à l’aspect plus ou moins symétrique,

Rutilant sous des flots de lumière électrique.

Partout rire et gaîté: le givre éblouissant

Semblait chanter joyeux sous le pied du passant;

Tout paraissait noyé dans des lueurs d’opale.

Un instant, j’entrevis un enfant frêle et pâle,

Un tout petit garçon grelottant, mal vêtu,

Qui battait la semelle, et d’un air abattu

Dévorant du regard un brillant étalage

Des mille riens dorés qui plaisent tant à l’âge

Où l’on n’a pas encor le coeur rassasié.

Le petit mendiant semblait extasié.

J’allais moi-même entrer pour faire quelque emplette :

Jouets d’enfants, menus articles de toilette,

Bibelots si charmants à donner ce jour-là,

Lorsque, le coeur serré, j’entends crier :

- Holà!

Au voleur! Qu’on l’empoigne!… Oh! l’affreux misérable!

À l’aide!

En un instant la foule inexorable

Avait appréhendé le délinquant; c’était

Le malheureux gamin. Hagard, il haletait

Au poignet d’un sergent et sous l’âpre huée,

Tandis que sa main gourde et mal habituée

Au métier de l’opprobre essayait gauchement,

Sous les lambeaux troués d’un pauvre vêtement,

De cacher une raide et pimpante poupée.

Le voleur était pris.
L’âme préoccupée,

Je poursuivis ma route. Or, en rentrant chez moi,

J’embrassai mes enfants, ce soir-là, plein d’émoi:

Je ne sais trop pourquoi l’action insensée

Du petit inconnu tourmentait ma pensée.

Et quand, la nuit venue, écartant les rideaux,

En tapinois j’allai déposer mes cadeaux,

Je revis – un hoquet de toux à la poitrine -

L’enfant déguenillé penché vers la vitrine.

Je le vis tout tremblant, avec avidité,

Porter sa main transie à l’objet convoité,

Entr’ouvrir les haillons qui le couvraient à peine,

L’y cacher, et soudain fuir à perte d’haleine.

Puis la police, puis le procès, la prison…

Enfin le déshonneur, le deuil à la maison!

Une première faute… un orphelin peut-être…

Malgré moi je plaignais le pauvre petit être;
Si bien que je ne sais quel prétexte banal

Me conduisit deux jours plus tard au tribunal.
Entre deux vagabonds et deux filles de bouges

Le petit comparut livide et les yeux rouges.
Son histoire était courte et triste. Cet enfant,

Hélas! était de ceux que la loi ne défend

Qu’à regret, dirait-on; classe déshéritée

De malheureux sans pain, n’ayant que la dictée

De leur coeur, ici-bas, pour supporter leur lot.

Trois ans auparavant, frappé par un ballot

Qu’il arrimait à bord d’un brick faisant escale,

Son père était tombé sans vie à fond de cale.

Et la mère avait dû, de saison en saison,

Peiner pour apporter du pain à la maison.

Lui-même – le petit – avait payé sa dette

À la famille, ayant gardé sa soeur cadette,

Lorsque la mère allait travailler au dehors.

Et puis la maladie était venue; alors

Il avait à son tour dû chercher de l’ouvrage.

Tout ce qu’un pauvre enfant peut avoir de courage,

Il l’avait dépensé sans plainte, avec douceur,

Pour sa mère clouée au chevet de sa soeur…

Ce soir-là même, ayant vu pleurer la petite

En songeant à Noël, il était sorti vite,

Et, le coeur gros, avait à mainte porte osé

Mendier un cadeau qu’on avait refusé…

- C’est pour elle, Monsieur, oui, pour ma soeur mourante

Que j’ai volé, dit-il, d’une voix déchirante;

C’est la première fois!
Et l’enfant, à ces mots,

Se cacha le visage, et, fondant en sanglots,

S’affaisa lourdement sur la banquette infâme.

Et je sortis, plaignant dans le fond de mon âme

Les juges – leur devoir veut quelquefois cela -

Condamnés à punir de ces criminels-là.

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La poupée
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