Je veux ensevelir au linceul de la rime

Ce souvenir, malaise immense qui m’opprime.
Quand j’aurai fait ces vers, quand tous les auront lus

Mon mal vulgarisé ne me poursuivra plus.
Car ce mal est trop grand pour que seul je le garde

Aussi, j’ouvre mon âme à la foule criarde.
Assiégez le réduit de mes rêves défunts,

Et dispersez ce qu’il y reste de parfums.
Piétinez le doux nid de soie et de fourrures;

Fondez l’or, arrachez les pierres des parures.
Faussez les instruments. Encrassez les lambris;

Et vendez à l’encan ce que vous aurez pris.
Pour que, si quelque soir l’obsession trop forte

M’y ramène, plus rien n’y parle de la morte.
Que pas un coin ne reste intime, indéfloré.

Peut-être, seulement alors je guérirai.
POÉSIES

(Avec des rhythmes lents, j’endors ma rêverie

Comme une mère fait de son enfant qui crie.)
Un jour, j’ai mis mon coeur dans sa petite main

Et, tous en fleur, mes chers espoirs du lendemain.
L’amour paye si bien des trésors qu’on lui donne!

Et l’amoureuse était si frêle, si mignonne!
Si mignonne, qu’on l’eût prise pour une enfant

Trop tôt belle et que son innocence défend.
Mais, elle m’a livré sa poitrine de femme,

Dont les soulèvements semblaient trahir une âme.
Elle a baigné mes yeux des lueurs de ses yeux,

Et mes lèvres de ses baisers délicieux.
(Avec des rhythmes doux, j’endors ma rêverie

Comme une mère fait de son enfant qui crie.)
Mais, il ne faut pas croire à l’âme des contours,

A la pensée enclose en deux yeux de velours.
Car un matin, j’ai vu que ma chère amoureuse

Cachait un grand désastre en sa poitrine creuse.
J’ai vu que sa jeunesse était un faux dehors,

Que l’âme était usée et les doux rêves morts.
J’ai senti la stupeur d’un possesseur avide

Qui trouve, en s’éveillant, sa maison nue et vide.
J’ai cherché mes trésors. Tous volés ou brisés!

Tous, jusqu’au souvenir de nos premiers baisers!
Au jardin de l’espoir, l’âpre dévastatrice

N’a rien laissé, voulant que rien n’y refleurisse.
J’ai ramassé mon coeur, mi-rongé dans un coin,

Et je m’en suis allé je ne sais où, bien loin.
(Avec des rhythmes sourds, j’endors ma rêverie

Comme une mère fait de son enfant qui crie.)
C’est fièrement, d’abord, que je m’en suis allé

Pensant qu’aux premiers froids, je serais consolé.
Simulant l’insouci, je marchais par les rues.

Toutes, nous les avions ensemble parcourues!
je n’ai pas même osé fuir le mal dans les bois.

Nous nous y sommes tant embrassés autrefois!
Fermer les yeux? Rêver? Je n’avais pas dans l’âme

Un coin qui n’eût gardé l’odeur de cette femme.
J’ai donc voulu, sentant s’effondrer ma raison,

La revoir, sans souci de sa défloraison.

Mais, je n’ai plus trouvé personne dans sa forme.

Alors le désespoir m’a pris, lourd, terne, énorme.
Et j’ai subi cela des mois, de bien longs mois,

Si fort, qu’en trop parler me fait trembler la voix.
Maintenant c’est fini. Souvenir qui m’opprimes,

Tu resteras, glacé, sous ton linceul de rimes.

Évaluations et critiques :

Lento
{{ reviewsTotal }}{{ options.labels.singularReviewCountLabel }}
{{ reviewsTotal }}{{ options.labels.pluralReviewCountLabel }}
{{ options.labels.newReviewButton }}
{{ userData.canReview.message }}

Vous avez lu ce poème. Votre opinion compte! Laissez-nous savoir ce que vous en pensez.

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x