Art d’aimer, fragment VI

Si d’un mot échappé l’outrageuse rudesse

A pu blesser l’amour et sa délicatesse,

Immobile il gémit, songe à tout expier.

Sans honte, sans réserve, il faut s’humilier

Églé, tombe à genoux, bien loin de te défendre ;

Tu le verras soudain plus amoureux, plus tendre,

Courir et t’arrêter, et lui-même à genoux

Accuser en pleurant son injuste courroux.

Mais souvent malgré toi, sans fiel ni sans injure,

Ta bouche d’un trait vif aiguise sa piqûre ;

Le trait vole, tu veux le rappeler en vain

Ton amant consterné dévore son chagrin.

Ou bien d’un dur refus l’inflexible constance

De ses feux tout un jour a trompé l’espérance ;

Il boude : un peu d’aigreur, un mot même douteux

Peut tourner la querelle en débat sérieux.

Oh ! trop heureuse alors si, pour fuir cet orage,

Les Grâces t’ont donné leur divin badinage,

Cet air humble et soumis de n’oser s’approcher,

D’avoir peur de ses yeux et de t’aller cacher,

Et de mille autres jeux l’inévitable adresse,

De mille mots plaisants l’aimable gentillesse,

Enfin tous ces détours dont le charme ingénu

Force un rire amoureux vainement retenu.

Il t’embrasse, il te tient, plus que jamais il t’aime ;

C’est ton tour maintenant de le bouder lui-même.

Loin de s’en effrayer, il rit, et mes secrets

L’ont instruit des moyens de ramener la paix.

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Art d’aimer, fragment VI
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