Récits épiques – Mort du général Walhubert

Le soleil d’Austerlitz n’a pas encore lui.
Avec ses maréchaux groupés autour de lui,

Et, près de là, tenant en réserve sa garde,

Du haut d’un mamelon Napoléon regarde,

Monté sur un cheval gris aux naseaux fumants,

S’en aller, l’arme au bras, les derniers régiments

Vers la plaine déjà par d’autres occupée.

Tous l’acclament. Aux chefs saluant de l’épée,

L’Empereur fait un signe, et, quand passe un drapeau,

Calme, il porte la main à son petit chapeau.

Dans cette steppe, au loin par la brume obscurcie,

Tout ce qu’ont de soldats l’Autriche et la Russie

Aujourd’hui va barrer la route au conquérant.

L’heure est grave. Effrayé presque d’être si grand,

Celui qui vient dans Ulm d’écraser l’Allemagne

Et qui, pour terminer d’un seul coup la campagne,

Veut une fois déplus, ce soir, être vainqueur,

Sent un léger frisson lui traverser le cœur.

— N’as-tu jamais aucun vertige, aigle qui planes ? —
Or, comme défilait au pas le corps de Lannes,

— On en était à la brigade Walhubert —

Le soleil, jusqu’alors de nuages couvert,

Éclaira tout à coup l’immense paysage ;

Et le grand fataliste y voyant un présage,

Et sentant que l’espoir en son cœur renaissait,

Sourit au général Walhubert qui passait.
L’obscur soldat partit, ivre de ce sourire.
La veille d’Austerlitz, on avait fait prescrire,

De peur de dégarnir les rangs, que les blessés,

Officiers ou soldats, ne fussent ramassés

Que le soir, une fois la bataille finie.

Chose affreuse ! ils devaient traîner leur agonie

Dans ce champ clos glacé par la bise du nord,

Où la pitié viendrait seulement quand la mort

Aurait enfin cuvé sa sanglante débauche.

Le maréchal devait opérer sur la gauche,

Par la route d’Olmütz, forte position

Prise par Lichtenstein et par Bagration ;

Et Walhubert servait sous lui. — Quelle tuerie !

D’abord ce fut un grand choc de cavalerie,

Et les carrés français, sur leurs quadruples fronts,

Eurent à repousser quatre-vingts escadrons ;

Puis Kellermann, sabrant, nous fit la place nette ;

Et nos vieux régiments, croisant la baïonnette,

Marchèrent, les tambours devant, l’aigle au milieu,

Vers Pratzen, où tonnaient trente bouches à feu.

Quand ces grands mouvements sous le canon s’opèrent,

C’est terrible ! Combien de braves gens tombèrent

Dans cette plaine où rêve aujourd’hui le berger !

Castex, le colonel du treizième léger,

Un officier superbe et de très haute taille,

Fut frappé d’une balle au front, et la mitraille

Enleva d’un seul coup un groupe de tambours.

N’importe ! Sur Pratzen, dont brûlaient les faubourgs

Et dont les grenadiers du czar gardaient rentré

Nos petits fantassins, en colonne serrée,

S’avançaient lentement, commandés par Suchet ;

Et, dans cet ouragan formidable, on marchait :

— Car, pour vaincre, il fallait prendre cette bourgade.

Ce fut à Walhubert d’enlever sa brigade,

À Walhubert, à qui l’Empereur a souri !

« En avant ! » commanda le héros. A ce cri,

D’un effort furieux ses bataillons partirent ;

Et par un feu nourri les Russes répondirent ;

Et comme Walhubert, joyeux, caracolait,

Poitrine au vent et sabre à la main, un boulet

Le jeta sur le sol, la cuisse fracassée.
La colonne d’attaque était trop bien lancée :

Elle ne cessa pas pour si peu de courir.

Mais, comme des soldats venaient le secourir,

L’intrépide blessé les écarta d’un signe,

Et dit sévèrement : « Eh bien ! Et la consigne !

Qu’on me prenne un drapeau russe pour mon linceul !…

Grenadiers, à vos rangs !… Je peux mourir tout seul !… »

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