Art poétique

Par le travers de la gueule

Ramassée dans la boue et la gadoue

Crachée, vomie, rejetée —

Je suis le vers témoin du souffle de mon maître —

Déchet, rebut, ordures

Comme le diamant, la flamme et le bleu de ciel

Pas pure, pas vierge

Mais baisée dans tous les coins

baisée enfilée sucée enculée violée

Je suis le vers témoin du souffle de mon maître

Baiseuse et violatrice

Pas pucelle

Rien de plus sale qu’un pucelage

Ouf ! ça y est on en sort

Bonne terre boueuse où je mets le pied

Je suis pour le vent le grand vent et la mer

Je suis le vers témoin du souffle de mon maître

Ça craque ça pète ça chante ça ronfle

Grand vent tempête cœur du monde

Il n’y a plus de sale temps

J’aime tous les temps j’aime le temps

J’aime le grand vent

Le grand vent la pluie les cris la neige le soleil le feu

et tout ce qui est de la terre boueuse ou sèche

Et que ça croule !

Et que ça pourrisse

Pourrissez vieille chair vieux os

Par le travers de la gueule

Et que ça casse les dents et que ça fasse saigner les gencives

Je suis le vers témoin du souffle de mon maître

L’eau coule avec son absurde chant de colibris

de rossignol et d’alcool brûlant dans une casserole

coule le long de mon corps

Un champignon pourrit au coin de la forêt ténébreuse

dans laquelle s’égare et patauge pieds nus une femme du tonnerre de dieu

Ça pourrit dur au pied des chênes

Une médaille d’or n’y résiste pas

C’est mou

C’est profond

Ça cède

Ça pourrit dur au pied des chênes

Une lune d’il y a pas mal de temps

Se reflète dans cette pourriture

Odeur de mort odeur de vie odeur d’étreinte

De cocasses créatures d’ombre doivent se rouler

et se combattre et s’embrasser ici

Ça pourrit dur au pied des chênes

Et ça souffle encore plus dur au sommet

Nids secoués et les fameux colibris de tout à l’heure

Précipités

Rossignols époumonés

Feuillage des forêts immenses et palpitantes

Souillé et froissé comme du papier à chiottes

Marées tumultueuses et montantes du sommet

des forêts vos vagues attirent vers le ciel

les collines dodues dans une écume

de clairières et de pâturages veinée de

fleuves et de minerais

Enfin le voilà qui sort de sa bauge

L’écorché sanglant qui chante avec sa gorge à vif

Pas d’ongles au bout de ses doigts

Orphée qu’on l’appelle

Baiseur à froid confident des Sibylles

Bacchus châtré délirant et clairvoyant

Jadis homme de bonne terre issu de bonne graine par bon vent

Parle saigne et crève

Dents brisées reins fêlés, artères nouées

Cœur de rien

Tandis que le fleuve coule roule et saoule

de grotesques épaves de péniches d’où

coule du charbon

Gagne la plaine et gagne la mer

Écume roule et s’use

Sur le sable le sel et le corail

J’entrerai dans tes vagues

À la suite du fleuve épuisé

Gare à tes flottes !

Gare à tes coraux, à ton sable, à ton sel à tes festins

Sorti des murailles à mots de passe

Par le travers des gueules

Par le travers des dents

Beau temps

Pour les hommes dignes de ce nom

Beau temps pour les fleuves et les arbres

Beau temps pour la mer

Restent l’écume et la boue

Et la joie de vivre

Et une main dans la mienne

Et la joie de vivre

Je suis le vers témoin du souffle de mon maître.

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Art poétique
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