Contre Denise Sorcière

L’inimitié que je te porte,

Passe celle, tant elle est forte,

Des aigneaux et des loups,

Vieille sorcîere deshontée,

Que les bourreaux ont fouëttée

Te honnissant de coups.
Tirant apres toy une presse

D’hommes et de femmes espesse,

Tu monstrois nud le flanc,

Et monstrois nud parmy la rue

L’estomac, et l’espaule nue

Rougissante de sang.
Mais la peine fut bien petite,

Si Ion balance ton merite :

Le Ciel ne devoit pas

Pardonner à si lasche teste,

Ains il devoit de sa tempeste

L’acravanter à bas.
La Terre mere encor pleurante

Des Geans la mort violante

Bruslez du feu des cieux,

(Te laschant de son ventre à peine)

T’engendra, vieille, pour la haine

Qu’elle portait aux Dieux.
Tu sçais que vaut mixtionnée

La drogue qui nous est donnée

Des pays chaleureux,

Et en quel mois, en quelles heures

Les fleurs des femmes sont meilleures

Au breuvage amoureux.
Nulle herbe, soit elle aux montagnes,

Ou soit venimeuse aux campagnes,

Tes yeux sorciers ne fuit,

Que tu as mille fois coupée

D’une serpe d’airain courbée,

Beant contre la nuit.
Le soir, quand la Lune fouëtte

Ses chevaux par la nuict muette,

Pleine de rage, alors

Voilant ta furieuse teste

De la peau d’une estrange beste

Tu t’eslances dehors.
Au seul soufler de son haleine

Les chiens effroyez par la plaine

Aguisent leurs abois :

Les fleuves contremont reculent,

Les loups effroyablement hurlent

Apres toy par les bois.
Adonc par les lieux solitaires,

Et par l’horreur des cimetaires

Où tu hantes le plus,

Au son des vers que tu murmures

Les corps des morts tu des-emmures

De leurs tombeaux reclus.
Vestant de l’un l’image vaine

Tu viens effroyer d’une peine

(Rebarbotant un sort)

Quelque veufve qui se tourmente,

Ou quelque mere qui lamente

Son seul heritier mort.
Tu fais que la Lune enchantée

Marche par l’air toute argentée,

Luy dardant d’icy bas

Telle couleur aux jouës palles,

Que le son de mille cymbales

Ne divertirait pas.
Tu es la frayeur du village :

Chacun craignant ton sorcelage

Te ferme sa maison,

Tremblant de peur que tu ne taches

Ses boeufs, ses moutons et ses vaches

Du just de ta poison.
J’ay veu souvent ton oeil senestre,

Trois fois regardant de loin paistre

La guide du troupeau,

L’ensorceler de telle sorte,

Que tost apres je la vy morte

Et les vers sur la peau.
Comme toy, Medée exécrable

Fut bien quelquefois profitable :

Ses venins ont servy,

Reverdissant d’Eson l’escorce :

Au contraire, tu m’as par force

Mon beau printemps ravy.
Dieux ! si là haut pitié demeure,

Pour récompense qu’elle meure,

Et ses os diffamez

Privez d’honneur de sépulture,

Soient des oiseaux goulus pasture,

Et des chiens affamez.

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Contre Denise Sorcière
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